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Santé mentale et Covid-19 : l’inquiétude est à son paroxysme !

Les messages d’alerte fusent en ce moment à propos du bien-être mental de la population. Rien que ce week-end, un rapport universitaire insistait sur le mal-être lancinant des jeunes de 3 à 25 ans tandis qu’un Collège de médecins généralistes soulignait avec force la détresse des patients. Et pourtant, cette affaire n’est pas surprenante... En mai 2020, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) publiait un avis sur l'impact psychosocial de la pandémie sur la population générale, en ce compris les professionnels de la santé et les groupes vulnérables. Depuis lors, de nombreuses études ont été mises en place en Belgique afin de mieux prendre en compte l'impact mental de la crise. Le groupe Santé Mentale du CSS tient un inventaire dynamique des données disponibles et les met à jour régulièrement (Belgian Mental Health Data Repository). Le présent avis fait un point global de la situation en s’appuyant sur cette base de données, sur celles de la littérature internationale et sur les résultats d'une étude de type Delphi.

Résultats d’une enquête Delphi auprès des professionnels de santé et des patients et réaffirmation d’une stratégie globale.

Une vision du terrain objectivée par la méthodologie Delphi

Il s’agit d’une méthode de collecte d’opinions qui a largement démontré ses qualités. Elle a permis au CSS d’interagir de manière indépendante avec 149 professionnels (membres de services de soins en santé mentale, praticiens libéraux, directeurs et coordinateurs de maisons et réseaux de soins, chercheurs, académiques et acteurs du bien-être au travail) ainsi que 46 patients et aidants proches. L’enquête qui a débuté à la fin octobre 2020 et dont l’analyse a été finalisée en janvier 2021 permet de dégager sept points d’attention. Tout d’abord, la réaffirmation unanime que la santé mentale n’a pas été prise suffisamment en compte dans cette crise. Ceci s’inscrit indéniablement dans l’air du temps mais était déjà dénoncé par le CSS en mai 2020. En second lieu, le manque flagrant de vision claire quant aux perspectives ainsi que celui d’une approche globale et concertée de la crise par les autorités. Personne ne sait vraiment où l’on va alors que les initiatives et interprétations isolées se multiplient. Troisièmement, les personnes interrogées se plaignent amèrement du manque de reconnaissance pour le travail accompli par les professionnels de la santé mentale. Ceux-ci se sont sentis mis sur le côté alors que le secteur est historiquement sous investi et que le contexte est particulièrement difficile et anxiogène. En quatrième lieu, les intervenants déplorent la difficulté d’accès à des informations suffisantes, claires et fiables. Les incohérences et contradictions entre experts ont été monnaie courante contribuant à un détestable chaos médiatique et entretenant un climat de peur et de culpabilité. En cinquième lieu, il ressort très clairement que les personnes les plus vulnérables n’ont pas reçu l’attention qu’elles méritent. Sont ici visés les groupes à statut socioéconomique plus faible et les patients souffrant de maladies chroniques dont les troubles psychiques. En sixième lieu, la problématique de l’adaptation a été soulignée avec le besoin de renforcer l’autonomie et la résilience des individus. Finalement, c’est la nécessité de disposer d’outils permettant d’évaluer de manière objective la situation en santé mentale et les besoins de la population qui est soulignée. Ces constats nous mettent implacablement devant d’immenses défis en santé mentale pour lesquels il s’agit de trouver des pistes d’action créatives.    

Intensifier la reconnaissance de la santé mentale et soutenir le secteur

Cette étude et l’ensemble des données examinées permettent de réaffirmer que la pandémie actuelle est non seulement un défi médical, mais aussi une crise psychosociale. A cet égard et pour plusieurs raisons développées en détail dans le rapport, la santé mentale nécessite une attention toute particulière pour laquelle le CSS dégage une série de points d’action.

Tout d’abord, il s’agit de veiller à une intégration active des professionnels de santé mentale dans la gestion de la crise et d’offrir un soutien structurel et financier à l’ensemble du secteur s’inscrivant dans la continuité des efforts (également au lendemain de la crise). Ensuite, il faut consolider une approche proactive et échelonnée par le biais d’une stimulation efficace de la résilience et des ressources personnelles des individus, d’un rétablissement rapide des contacts sociaux, du retour à la stabilité financière, de la mise en place d’outils d’aide facilement accessibles et centralisés et de l’orientation vers une aide professionnelle. La professionnalisation et la pérennisation de la surveillance de l’impact de la Covid-19 sur la santé mentale à l’aide de divers indicateurs prédéfinis requièrent un intérêt tout particulier.     

Développer une stratégie de communication efficace et harmonisée

Nul ne niera que la population est submergée par un excès d'informations de qualité variable, parfois contradictoires et même erronées, qui créent la confusion par le biais de divers canaux médiatiques et/ou d’experts divisés. Plus grave, la chronicité de la crise fait en sorte que les citoyens éprouvent des difficultés à rester motivés et à conserver une attitude positive. Nos autorités tout comme les responsables des médias doivent travailler ensemble pour développer une stratégie de communication efficace et non ambigüe. Il est non seulement essentiel de disposer d'informations fiables, mais aussi de perspectives réalistes et positives. Un langage effrayant tout comme un ton autoritaire n'y contribuent certainement pas. Il convient de s’adapter aux groupes cibles concernés et en particulier à ceux dits vulnérables ou qui n’ont qu’une connaissance limitée de la santé et/ou qui ne sont pas atteints par les médias traditionnels. Enfin, la communication doit se faire de manière moins anxiogène quant à l’adoption des comportements sanitaires protecteurs.

Faire du travail un levier pour la santé mentale et utiliser les structures de prévention

Le travail est non seulement crucial sur le plan socio-économique, mais il contribue aussi au bien-être mental. Il apporte une stabilité financière, qui peut indirectement avoir un impact sur le bien-être psychosocial, mais donne aussi un sens, un but et une connexion sociale. Il peut donc être considéré comme un levier crucial et immédiatement opérationnel pour promouvoir le bien-être mental. Les structures existantes devraient aussi être utilisées voire renforcées pour prévenir et détecter les problèmes de santé mentale sur le lieu de travail. L’expérience de crises passées montre qu’un tel investissement bénéficie à la relance de l’emploi en fin de crise.

Un appel au monde politique

Le présent rapport basé sur la contribution d’un groupe d’experts élargi et représentatif confirme et étend les messages essentiels de l’avis original émis par le CSS en mai 2020. A ce moment, cette problématique n’avait pas reçu le plein accueil des responsables politiques happés par d’autres tâches. Ceux-ci sont à présent plus attentifs à cette problématique grandissante. Le temps des avertissements et des doléances semble révolu. Que les constatations objectives et les pistes d’action globales et réalistes figurant dans le présent rapport inspirent les décideurs politiques à poursuivre ce travail.